Insomnies

[Vandala Rose, Landolor]

Etendue seule sur le lit d'une modeste chambre de la taverne de Tradénia, Vandala tentait de trouver le someil depuis plusieurs jours déjà. Les contours noircis de ses yeux témoignaient de ses fameuses nuits sans fermer l'oeil une simple minute. Le plafond, les murs, les meubles, elle les avait détaillés tant de fois que leurs images restaient imprégnés dans son esprit lorsqu'elle fermait les yeux ne serait-ce que quelques secondes. Fatiguée de faire ses faux sourires à tout le monde, elle restait couchée pour un moment de paix, mais surtout de réalité. Son visage était détendu, aucun sourire, aucune fausse image, simplement Vandala Flamberg, la vraie, incomplète.

Plusieurs personnes avaient de nombreuses attentes envers elle mais personne ne la connaissait vraiment. Ces fameuses apparences encore et toujours. De la même façon qu'elle pouvait maquiller la noirceur autour de ses yeux, elle pouvait aussi cacher tout le reste. Dernièrement, plusieurs personnes avaient vu la jeune femme à la chevelure dorée se rendre à la Cathédrale et passer plusieurs heures en confesse avec le Père Wallace. Certes, la plupart des gens devaient penser qu'elle avait beaucoup de choses à se faire pardonner. D'ailleurs, c'est le commentaire qu'elle entendait le plus souvent en descendant lentement les escaliers de la Cathédrale. Elle n'en avait que faire de ces racontards ou de ce que pensaient les autres. Seuls les gens près d'elle pouvaient s'appercevoir que la jeune femme n'était pas au meilleur de son moral. C'était d'ailleurs la raison de ses nombreuses visites dans la Maison d'Arian. Elle avait discuté de longs moments avec le Père Wallace au sujet de la mort et ces moments appaisaient son esprit troublé par la mort de Richard. Dire que certains disent qu'avec le temps, les blessures guérissent. Alors pourquoi celle-là ne se refermait pas? Il y avait tant d'années déjà, et pourtant c'était aussi douloureux que le premier jour.

C'est alors que ses pensées furent interrompues par un vacarme étrange directement sous elle, au rez-de-chaussé de la taverne. Se relevant rapidement du lit de l'insomnie, elle colla son oreille au sol afin d'entendre des voix assez fortes depuis l'étage du dessous. Elle cru reconnaître la voix de Sire LeGrand, l'homme à qui elle avait juré de fidélité et protection. Il était sa famille maintenant, lui et les autres. Elle ne laisserait plus jamais arriver du mal aux gens qu'elle estimait ainsi. Rapidement elle enfila son armure, se préparant au pire. L'optimisme n'était plus vraiment de mise avec elle en ces moments. Peut-être allait-elle devoir donner sa vie cette fois pour sauver celle de son Roi ou en prendre plusieurs? Peu lui importait. Seul son devoir était important à ses yeux maintenant. Le reste n'était que trop inutile pour s'en soucier. Si elle devait en fouetter, tuer ou peu importe la manière de punir ceux qui cherchaient à s'en prendre à Tradénia ou à Sire LeGrand, elle le ferait très facilement de sang froid et sans aucun remords. Ce serait grandement mérité à ses yeux.

Elle descendi alors rapidement les escaliers pour trouver plusieurs orchillions sur place. Dailleurs, l'un d'eux reconnu sa tortionnaire de la semaine précédante, Vandala, et osa lui dire de se calmer. De la peur? Probablement. Elle n'y avait pas été de main morte avec lui à leur dernière rencontre. Il l'avait bien mérité de toute manière. Elle se positionna alors aux côtés de Sire LeGrand afin de pouvoir intervenir si quelque chose tournait mal. Cependant, après quelques échanges de paroles, les orchillions quitèrent les lieux sans faire d'histoires. Malgré cela, Vandala restait inquiète pour ce qui était de la sécurité de l'Intendant au throne. Lorsque les choses furent calmés, il se tourna vers elle et l'appela:

Chevalier Flamberg

Vandala resta saisie un moment sur l'honneur qu'elle venait de recevoir dans un moment des plus innatendus. Un léger sourire s'étirant sous son heaume malgré tout. Richard serait probablement fier de la voir rendu à cette position maintenant pensa-t-elle. Elle serait fidèle à son devoir et était prête de toute manière à faire n'importe quoi pour cet homme qui lui avait rappelé qui elle était. Le mot justice prenait tout son sens maintenant. Elle veillerait personellement à la sécurité de Sire LeGrand.

Retour?
Le jour suivant, quelque chose d'étrange se faisait sentir dans l'air. Ne sachant pas ce que c'était, Vandala rencontra Sire LeGrand dans les rues de Tradénia par hasard. Lui aussi avait une étrange impression. Le Château était plus sure, il fallait rapidement s'y rendre. C'est tout ce que Vandala pouvait penser.

Une fois à l'intérieur des murs d'un blanc immaculé, Sarah les rejoint alors elle aussi. Cela annoncait-il le retour de Marcorel... et de Richard aussi? Ou la perte des deux hommes? Vandala avait grandement confiance en Marcorel, mais cela n'avait jamais été dans sa nature d'être particulièrement optimiste. L'espoir est bon quand les histoires finissent bien non? Mais quand le tout fini mal, ce n'est qu'une atroce torture supplémentaire.

Et le sol du Château commenca à trembler étrangement. D'abord surprise par la manifestation, Vandala tenta de rester droite tout en regardant une étrange fumée sortir du sol. Les yeux grands ouverts, la jeune femme espérait simplement voir deux silhouettes apparaître. Et ce fut le cas. Choquée, elle se demanda un instant si elle n'était pas victime d'hallucinations ou peut-être rêvait-elle simplement? Mais non... Marcorel sur son Chocobo et... Richard? Son Richard! Bien que celui-ci restait inconscient sur la monture, il était là! Enfin revenu pour elle...

Les deux hommes en piteux état furent portés dans des chambres séparés au château afin de prendre du repos. Sarah était près de Marcorel alors que Vandala restait aux côtés de Richard. Le regard bleu clair de la femme fixant son époux tranquilement revenir à lui. Ses mains qui avaient bougées, ses pieds... ses lèvres... et ensuite il avait ouvert ses yeux bleus... ce bleu si profond et si étrange? Elle n'avait jamais vu de sa vie une couleur pareille. Mais c'était bien lui...

Enfin tout reprenait son sens... l'homme à qui elle avait promise sa vie était de retour, tout irait bien maintenant. Elle se retrouverait, elle avait même eu droit au sens de l'humour de son mari. Ce cher Richard n'avait pas changé... lui seul pouvait lui redonner son vrai sourire. Rien ne pouvait aller mieux maintenant. Elle ne le laisserait plus partir sans elle. Ce soir là ils se firent une promesse; aucun des deux n'avait le droit de mourir avant l'autre. Et cette nuit là, elle ne ferma pas l'oeil un seul instant, elle observait simplement Richard dormir. Ce genre d'insomnie ne la dérangait aucunement cette fois...

[Richard Flamberg, Landolor]

Le trajet entre les mondes, quelle que fut sa nature confuse, avait laissé l’homme mal en point.

Ses idées étaient confuses…il s’était réveillé dans un lit du palais royal, ne se souvenant que d’avoir été décapité quelques années plus tôt puis d’avoir reçu la visite de Marcorel, lui demandant de bien vouloir lui prêter son « flux magique » pour que ce dernier puisse le ramener auprès des siens. Il avait accepté, bien que n’ayant aucune idée de ce qu’était son flux magique. Avant et après cette rencontre, il ne gardait que le souvenir d’une forte lumière blanche, puis il avait recouvert ses esprits.

Il était couvert de plaies superficielles, principalement de petites entailles sur le visage et les mains. Ses yeux, comme il l’apprit après quelques heures, avaient passé d’un vert forestier à un bleu presque surnaturel. Pire, ses cheveux étaient devenus gris. Il n’aimait pas les cheveux gris, mais sentait toutefois, sans pouvoir dire pourquoi, que cette condition n’était pas permanente, que la vie regagnerait sa chevelure comme elle avait regagné sa chair.

Ses muscles étaient faibles, mais ils fonctionnaient tous. Bien évidemment, il ne se serait pas levé debout, mais il n’avait aucun mal à subsister dans son lit et à bouger les bras.

Ce qui l’inquiétait, c’était ses visions, d’étranges visions, floues et à peine cohérentes. Il voyait des choses, qui semblaient se rejoindre dans le passé et le présent. Richard savait que ces événements le concernaient, mais n’arrivait pas à en soutirer le sens profond. Ces visions, il les avait surtout lorsqu’il dormait, mais son sommeil était tout de même reposant.

Lorsqu’il se réveilla après cette première nuit, il garda les yeux fermés et il sourit. Il sentait la présence de Vandala, là, si près de lui qu’il n’avait même pas besoin de la regarder pour la voir. Empli d’un sentiment de confort et de bonheur, il se rendormi en souriant toujours.

Le convalescent se sentait encore très fatigué, il allait dormir encore plusieurs heures, probablement quelques dizaines, mais il ne s’en inquiétait pas. Il avait retrouvé ses amis, son monde et, ce qui comptait le plus à ses yeux, sa femme, la seule à savoir lui rendre douces les souffrances physiques d’un retour parmi les vivants après une mort si longue.

Si elle était insomniaque, lui dormait plus profondément que quiconque, une indescriptible sérénité gravée à même les traits de son visage.

[Vandala Rose, Landolor]

Ses yeux n'en avaient jamais assez d'admirer son Richard dormir si paisiblement. Les draps blancs et soyeux les entourant, elle gardait son mari contre elle, écoutant sa respiration lente et apaisée. Le temps qu'il prit pour se reposer ne se comptait plus en heures, mais bien en jours. En aucun moment Vandala ne s'était levée pour aller manger. Toutes ces années où elle l'avait cru perdu à jamais... Ce n'était pas maintenant qu'elle voudrait s'éloigner de lui, non. Elle ne voulait pas non plus dormir de peur de se réveiller et que tout ceci n'aurait été que le fruit de son imagination pessimiste. Elle avait bien remarqué les traits étrangement sereins de son visage lors de ses sommeils à n'en plus finir. Simplement, parfois il semblait s'agiter, prononcer des choses qu'elle ne comprenait pas. Curieuse comme elle l'était, assurément qu'elle voulait savoir mais, jamais elle n'oserait poser une question qui risquerait de troubler Richard. Après tout ce qu'il venait de vivre, il méritait la paix et tout ce qu'il pouvait y avoir de meilleur.

Et il prit une semaine avant de se réveiller. Vandala avait eu le temps de préparer un sac pour lui. Tout un sac cela-dit... il ne pouvait pas le porter tellement il y avait beaucoup de vêtements, armures, armes, nourriture et encore! Peu importait de toute façon, Richard avait envie de déjeuner! Bonne nouvelle... il se sentait déjà mieux. La femme à la chevelure dorée ne pouvait que le contempler et sourire en le voyant si plein d'énergie. Tout ce qu'il disait, tout ce qu'il faisait, il n'avait aucunement changé. C'était l'homme qu'elle avait tant aimé et qu'elle aimait encore plus maintenant. Son sens de l'humour par dessus tout lui rappelait ce qui l'avait séduite chez lui. C'était si simple, il la complétait totalement, et sur toutes les facettes de sa personnalité. Jamais une seule fois elle n'avait regretté avoir choisi cet homme comme époux. Même la mort n'avait pu les séparer... il ne s'était pas passé une seule journée ou le visage de Richard n'hantait pas son esprit. Le son de sa voix, son sourire, ses paroles. Fascination pour cet homme aux cheveux plus noirs que la nuit elle-même? Obsession, qui sait?

Quelques grains de raisins roulant dans le creux de son assiette, Vandala était assise près de Richard pendant que celui-ci mangeait le plus copieux des déjeuners possibles. Malgré les derniers jours où elle n'avait absolument rien avalé, elle ne mangeait que pour manger, l'appétit étant complètement absente. Trop heureuse d'être à nouveau près de celui qu'elle avait tant espéré le retour. Encore maintenant, elle ne réalisait pas que tout ceci était bien réel. Peu après avoir mangé, Richard tombait déjà d'une certaine fatigue. Quelques heures de repos s'imposaient pour l'homme récemment revenu du royaume des morts. Vandala en profita alors pour aller chercher quelques petites choses qui lui manquait en Tradénia pour compléter l'énorme sac qu'elle avait déjà pour lui. Simplement, à son retour, les portes du Château avaient été vérouillées et la mauvaise foi du mousquetaire à l'intérieur qui n'avait aucunement voulu lui ouvrir avant plusieurs heures, et encore! Devant les passants, la jeune femme était restée debout devant les fenêtres de château en discutant avec Richard qui était pris de l'autre côté des portes. Elle aurait bien tenté de lui passer son sac par la fenêtre, mais celui-ci aurait sûrement exploser tellement il était plein.

N'ayant assez de voir le couple discuter par la fenêtre du Château, le mousquetaire fort sympathique de l'entrée fut assez gentil pour mettre Richard dehors. Quelle générosité! Enfin, ce qui comptait maintenant était de faire une petite promenade afin de dégourdir les jambes de son bien-aimé. Dotée d'une absence totale de sens de l'orientation, Vandala eu bien du mal à retrouver le barbier... qui était presque devant l'entrée du Château. Quelle honte oui! Faire presque tout Tradénia à pied pour en revenir au point de départ. Du moins certains membres des Pèlerins des Océans furent assez aimables pour les orienter dans la bonne direction. Le nord, et non le sud.

Briser des coeurs? Richard se doutait bien qu'il allait devoir gentiment faire une innocente démonstration publique d'affection pour que certains comprennent le message. La plupart des hommes seraient offusqués de voir leur femme avoir un nombre si impressionnant de prétendants, mais cela amusait Richard au plus haut point. Ses yeux malicieux suivant les réactions des hommes les entourant à la taverne. Il s'en amusait beaucoup. De toute manière, ils étaient tous au courant qu'elle était mariée. Même si Richard n'était plus, elle n'avait jamais pu s'attacher à un autre homme.

C'est dans ce genre de situations que l'espoir est mauvais. Espérer pour rien était comme un couteau tourné et retourné plusieurs fois dans une plaie ouverte. Par contre, l'espoir d'un futur meilleur, lui, n'était pas un espoir vain. Tout était sur le point de se concrétiser. Bien que Richard prenait encore quelques heures de repos, Vandala restait près de lui. Il y avait encore tellement de choses à faire. Etait-il encore le guerrier qu'elle avait connu? Seul le temps le dirais, mais elle ferait en sorte que tout se passe bien.