La fuite
La princesse Histrionne reposait calmement dans son immense lit. Malgré ses efforts acharnés, elle ne réussissait pas à trouver sommeil. Ses pensées, qu'elles tentait si bien que mal de chasser, se bousculaient dans sa tête. Désespérée, elle se leva lâssement et alla s'appuyer sur le bord d'une des fenêtres de son palais de fortune. Après la Catastrophe, les Histrions avaient dû fuir Romane et la famille royale avait été guidée jusqu'à un palais qui, dans les faits, n'était pas du tout aussi majestueux que l'ancien. Il était beaucoup plus petit, ne comprenant qu'une dixaine de pièces; la pierre de sable avait été délaissée pour un bois sombre qui, par endroit, était maladroitement taillé; les gardes avaient abandonné toutes les oeuvres d'art servant de décoration dans leur hâte de fuir Romane...
Pourtant, ce n'était pas la raison de la tourmente de la jeune princesse ce soir-là, au contraire. Elle jeta un regard rêveur vers Sialeka, illuminée dans la nuit par la lueur des torches et des feux de camps. Les bâtiments de bambou s'élevaient dans les airs, se mêlant harmonieusement à la robutesse des arbres. La sobriété des matériaux de construction était largement compensé par la complexité de la nature, qui venait soutenir les bâtiments par ses énormes racines et agrémenter le paysage de fleurs aux allures et couleurs exotiques...
Palmyre afficha un petit sourire à la vue du magnifique paysage. Elle se demandait ce que c'était que de vivre parmi les Naturilias et Makadoks et de ne pas avoir à rester cachée en ces temps troubles. En fait, elle rêvait d'aller rejoindre les siens et de les aider à tout reconstruire, au lieu d'être laissée à l'écart et de se sentir complètement inutile. Mais elle savait bien qu'en ces temps de guerre, sa mère l'Exarque et son frère aîné ne la laisseraient jamais faire. La jeune Histrionne ne comprenait d'ailleurs pas la décision qu'ils avaient pris de participer à cette guerre, aux côtés de races ennemies qui plus est, alors que leur peuple peinait à se remettre de la période de crise suivant le cataclysme...
Cette nuit-là, Palmyre prit une décision. Elle se dirigea vers sa dresseuse, enfila une robe légère à laquelle elle attacha une cape. Elle rabattit le capuchon sur ses fins cheveux verts, glissa ses pieds dans ses sandales préférées et quitta le palais, pressant le pas dans les nombreux corridors. Cette nuit-là, l'aubergiste de Sialeka racontait à qui le veut bien, avec un large sourire amusé, qu'une Histrionne à la beauté rare l'implora de lui concéder une chambre en échange de la "modique" somme de 2500 nites...